Psychologue à Brest (7) : dynamisme selon Lamarck, possibilité de la cure, selon Freud

Dans le précédent article, Psychologue à Brest (6), nous avons écouté Lamarck définir la vie dans une perspective scientifique. Nous avons omis dans sa définition de la vie (« un ordre et un état de choses ») de relever la permanence du phénomène vivant, sa durée continuée, ce que Lamarck décrit en employant le verbe subsister. Ecoutons une fois de plus cette définition :

« La vie est un ordre et un état de choses dans les parties de tout corps qui la possède, qui permettent ou rendent possible en lui l’exécution du mouvement organique, et qui, tant qu’ils subsistent, s’opposent efficacement à la mort.

Dérangez cet état de choses au point d’empêcher l’exécution du mouvement organique, ou la possibilité de son rétablissement, alors vous donnez la mort.

Ce dérangement, qui produit la mort, la nature le forme elle-même nécessairement au bout d’un temps quelconque, et en effet c’est le propre de la vie d’amener inévitablement la mort. »

Recherches sur l’organisation des corps vivans, p. 71 (l’orthographe est conservée), cf. le site lamarck.cnrs

Ce verbe subsister amène avec lui, ou provient de, la dynamique conflictuelle avec la mort. L’ordre et l’état de choses définissant la vie subsistent dans des conditions favorables. Ces conditions sont-elles non assurées, dérangées dit Lamarck, au point qu’est empêchée « l’exécution du mouvement organique, ou la possibilité de son rétablissement », alors survient la mort.

La précision du fondateur de la biologie impressionne. Au moment même où il prend en considération la mortalité (à terme, inévitable) de tout être vivant, quand l’ordre et l’état de choses caractérisant la vie sont dérangés par cause externe au point que le corps risque la mort, Lamarck ouvre « la possibilité de son rétablissement » (de l’exécution du mouvement organique, donc de la continuation de la vie).

Nous paraphrasons, certes, mais pour mieux mettre en lumière que cette nuance ouvre en droit, par principe, dans la définition même de la vie, au rétablissement, et donc, nous ajoutons, par exemple à la cicatrisation des blessures (au propre ou au figuré), à un retour du bien-être après un épisode troublé, bref à un conflit salvateur vers une vie continuée… Le mouvement empêché met la vie en péril ; l’exécution du mouvement organique est rétablie, possible, la vie continue…

Nous allons lentement dans l’écoute du fondateur de la biologie ; mais repérons déjà que, si Freud s’en est si abondamment inspiré, c’est assurément, en premier lieu, pour sa vision intrinsèquement dynamique. Plus d’un texte de Freud réfère, implicitement ou explicitement, à la dynamique, et au rétablissement possible d’une vie continuée, dès lors que les mouvements (psychiques, en l’occurrence) ne sont plus empêchés.

L’empêchement de ces mouvements, selon Freud, sera causé par d’autres mouvements internes, certes, mais éventuellement d’origine traumatique externe, et qui auront pour nom en français : fixation (une des deux caractéristiques du symptôme, l’autre étant l’exclusivisme), isolation (dans la névrose de contrainte), répression (généralement des affects), refoulement (hystérique, primaire), rejet (caractérisant la psychose).

La confiance de Freud en la possibilité d’un traitement des souffrances psychiques, dès lors qu’il maintint toujours absolument la psychanalyse comme une des sciences de la nature (et donc affiliée de ce point de vue à la biologie !), est à l’évidence, du point de vue théorique, à chercher dans cette définition scientifique de la vie par le fondateur de la biologie, Jean-Baptiste de Lamarck.

Yves-Marie Bouillon, psychologue, Brest, 10 octobre 2016.

Copyright, Bouillon, 2016.

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