Séparation psychique : comment une psychothérapie peut-elle y aider ?

Nombre de situations de notre vie nous amènent à assumer une séparation : rupture amoureuse, départ du foyer familial lors de l’entrée dans la vie adulte, séparation entre les parents et donc séparations répétées d’avec le père et la mère, déménagements, changements d’établissements scolaires, d’employeurs, sans oublier les deuils. Les affects qui nous traversent lors de ces séparations de fait sont nombreux et peuvent gravement invalider la poursuite de nos activités ordinaires, l’assomption de nos rôles familiaux, sociaux, professionnels. En termes d’angoisses, les sentiments de sécurité et de réconfort que nous offrait une relation peuvent être mis à mal. Certaines, certains d’entre nous peuvent alors traverser de véritables moments de panique, lesquels renvoient, selon toute vraisemblance, à des séparations précoces lors de la petite enfance. L’incompréhension, faute de maturation du système nerveux, dans laquelle est placé un nourrisson séparé durablement de sa mère (pour cause de maladie, de travail, par exemple), s’il n’est pas par ailleurs suffisamment soutenu par la personne prenant soin de lui durant l’absence maternelle, peut virer à la sidération, à la stupeur. L’état de choc ne doit pas être minimisé ni trop activement combattu. La priorité est de s’assurer que la personne va être suffisamment entourée, en sécurité matérielle et affective, le temps qu’elle recouvre ses facultés d’adaptation. D’une façon générale, quand nous sommes en état de choc suite à une séparation brutalement imposée de fait, nous avons tendance à régresser psychiquement. La propension à la régression est une constante de l’être humain. Nous activons des régimes psychiques, plus économes en dépenses énergétiques, et censés nous faciliter de retrouver un sentiment de sécurité, et surtout peut-être de continuité : sommeil, nourriture, parfums, images, musique vont être convoqués pour les associations que nous entretenons entre ces modalités sensorielles de nos éprouvés corporels et la personne dont nous avons été brusquement privé.

Le sentiment de continuité est sans doute la priorité de la vie psychique. Or, comme l’a travaillé Winnicott (cf. par exemple, Jeu et réalité), les angoisses précoces du nourrisson trop longtemps séparé de sa mère, quelle qu’en soit la raison, et insuffisamment réconforté par une personne tierce associée à la mère pour ce qui est d’un âge plus avancé, ces angoisses précoces, au-delà d’un certain seuil, non mesurable a priori, peuvent rendre particulièrement difficile l’assomption des inévitables séparations tout au long d’une vie.

Comment une psychothérapie peut-elle aider à les surmonter ? Le cadre physique (sécurité, stabilité, régularité) et psychique (confidentialité, honnêteté, disponibilité) autorise le patient ou la patiente à se laisser régresser jusqu’à certaines strates de la vie psychique, certains épisodes de l’histoire de vie, et à laisser surgir, en séance, les affects associés : peurs paniques, affects mélancoliques, désespoir, chagrin, parmi d’autres. La conversation tranquille, au rythme du patient, met en évidence que ces affects réactualisés, s’ils sont toujours aussi puissants à certains moments, peuvent cependant être jugulés, voire apaisés de diverses façons. Ce peuvent être des aménagements du cadre de la vie quotidienne sur un plan comportemental bien sûr, visant à rassurer, mais le travail du psychologue, en thérapie, va surtout consister, toujours par la conversation, à laisser le patient à la fois éprouver à nouveau certains affects et découvrir qu’il peut s’en dégager tout en continuant à bénéficier de l’attention d’autrui, de sa reconnaissance.

Le paradoxe est également là : un cercle d’affects a été parfois très tôt mis en place dans nos fonctionnements psychiques, de l’angoisse d’abandon, à la séparation effective et ses peurs associées, au réconfort parfois tardif mais toujours source de gratifications malgré tout. Et nous pouvons alors être comme ‘conditionnés’ (le mot est excessif, ‘incités’, ou ‘prédisposés’ ne sont guère mieux) à susciter autour de nous des séparations brutales par nos comportements, dans le but même de retrouvailles. La fonction du psychotérapeute en de pareils cas, sur le moyen terme, est d’offrir une sorte de garantie de continuité psychique, de séance en séance, au cours de laquelle continuité, toujours par le dialogue, le patient pourra éprouver que sa vie psychique a surmonté les angoisses et affects mélancoliques surgis sur un mode régressif. Les moyens de pallier les inévitables moments de solitude (solitude réelle ou seulement éprouvée) seront de plus en plus à portée de main au fur et à mesure que le patient retrouvera son sentiment de continuité, de reconnaissance par les autres : activités culturelles, sociales, sportives, etc.

Yves-Marie Bouillon

Brest, 19 juin 2022

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