Psychologue à Brest (3) : ontogenèse et phylogenèse, un double point de vue oublié ?

Le titre de cet article pose la question : les psychanalystes, appliqués au seul travail clinique (avec un point de vue centré sur l’individu), ont-ils perdu de vue le double ancrage théorique de Freud, repris par Ferenczi dans Thalassa, essai sur la théorie de la génitalité   Certes, articuler ce double point de vue est périlleux.

L’ontogenèse est la genèse de l’individu ; la phylogenèse est la genèse de l’espèce. Freud admirait sans réserve l’ouvrage de Charles Darwin, De l’origine des espèces (On the origin of species), paru peu après la naissance de l’inventeur de la psychanalyse. La perspective dynamique de la vision de Darwin motive le questionnement de Freud. Comment un mouvement psychique est-il mis en place par un individu ? D’abord parce qu’il a été mis en place, au cours de l’évolution, par l’espèce dont cet individu est issu. Des réflexions issues des lectures de Darwin, nous trouvons des traces, par exemple dans Totem et tabou, également dans un texte que Freud ne publia pas et qui fut retrouvé après sa mort, Vue d’ensemble des névroses de transfert.

Mais puisqu’il s’agit dans ces articles « Psychologue à Brest » de faire part de nos réflexions sur l’ouvrage de Ferenczi, Thalassa, essai sur la théorie de la génitalité, relevons qu’après avoir mentionné Lamarck et Darwin, Ferenczi mentionne Haeckel comme ayant inspiré ses réflexions. Haeckel a résumé sa théorie dans cette phrase « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse ». Autrement dit, le développement de l’embryon d’une espèce se fait à travers des phases de développement ayant appartenu à des espèces dites « inférieures ». Depuis, cette théorie a été battue en brèche. Reste que l’observation put parfois donner raison aux thèses de Haeckel, par exemple en ce qui concerne les traces de membres postérieurs effectivement existant dans des espèces précédentes, mais ensuite disparus à l’âge adulte chez les cétacés, persistant seulement dans l’embryogenèse des cétacés.

Mais revenons à ce que dit Ferenczi dans son introduction :

« Toutes ces idées tournaient autour d’une explication plus poussée de la fonction d’accouplement qui, dans les Trois essais [sur la théorie de la sexualité, de Freud] est présentée par Freud comme étant la phase terminale de toute l’évolution sexuelle mais sans que le processus d’évolution lui-même soit étudié dans les détails. »(p. 250, réf. biblio. dans l’article de ce même blog, « Psychologue à Brest (1) »).

Il s’agit donc de pousser l’analyse de Freud, poursuit Ferenczi, « en une théorie ontogénétique et phylogénétique »… de la sexualité ! Ainsi, cet ouvrage si étrange, Thalassa, essai sur la théorie de la génitalité, se propose de concilier les points de vue évolutifs de l’ontogenèse et de la phylogenèse appliqués à la sexualité humaine… Le pari est audacieux. Ferenczi s’en excuse presque, comme nous allons voir dans un prochain article.

Copyright, Bouillon, 2016.

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