La passation de tests se généralise : lors de la sélection de candidats à l’embauche, en particulier pour certains métiers ; également, et de plus en plus, à l’initiative des personnes elles-mêmes.
Ce sont alors des tests cognitifs que les personnes demandent le plus souvent à passer : les (trop) fameux « tests de Q.I. »… L’appellation est malheureuse. Car le quotient intellectuel ne dit précisément pas grand chose, presque rien, du fonctionnement… intellectuel.
Le plus surprenant est la focalisation sur les chiffres… Hélas, nombre de psychologues acceptent sans y réfléchir de transmettre des résultats chiffrés aux consultants. Sans se rendre compte que les chiffres (dans le pire des cas, le fameux Q.I. Total, sinon les Q.I. Verbal et Performance) seront l’objet d’une obsession cristallisée de la personne qui ira jusqu’à penser « avoir », quand ce n’est pas « être », un « Q.I. de …. ».
Comme si la richesse d’un fonctionnement intellectuel (et donc à la fois analytique, créatif, raisonné, intuitif, synthétique, émotionnel, social, en lien avec les actions corporelles, puisque l’intelligence fait feu de tout bois) pouvait se réduire à quelques chiffres sur une échelle de classement ! Ce n’était pourtant pas le but des concepteurs de ces tests.
La première mesure de prudence consistera donc, à notre avis, à ne pas communiquer de chiffres, lesquels risquent d’amplifier chez le consultant une vision réduite, une conception étroite de ses propres fonctionnements intellectuels.
En deuxième lieu, il semble opportun, dès le premier rendez-vous, de considérer les intérêts socio-culturels de la personne.
Qui déniera que nombre de fonctionnements cognitifs précis, élaborés, singulièrement adaptés à leurs buts, échappent, de par leur nature, à un questionnement verbal, avec ou sans support d’image, avec ou sans crayon ? Bien sûr, un fonctionnement cognitif performant s’adapte à toutes les circonstances… Reste que l’évaluation d’une capacité cognitive spécifique à telle ou telle activité organisée peut totalement échapper à la passation d’un test.
En troisième lieu, le psychologue doit impérativement prendre en compte le caractère segmentant du test… Nous entendons par là qu’un test, dans sa conception, épure les actions cognitives évaluées. Or, il est rare, dans la vie quotidienne, qu’une action cognitive isolée de toute autre suffise à résoudre un problème…
Pour prendre un exemple, une personne peut éventuellement être un bon sprinter, avoir une détente optimale, une vision parfaite, une agilité des jambes évidente, même avec un ballon… et s’avérer un médiocre joueur de football. L’intelligence du jeu, sa compréhension globale et en situation, la capacité sociale à jouer en équipe ne seront tout simplement pas prises en compte par des performances isolées sur telle ou telle tâche.
Or, le risque est grand, si le psychologue ne complète pas la passation du test d’une investigation plus ample des intérêts sociocognitifs de la personne, de ne lui restituer que des résultats segmentés, sans lien effectif avec sa vie quotidienne, ses difficultés éventuelles ou son aisance dans tel ou tel domaine. A ce titre, l’entretien de restitution est précieux : non seulement pour rendre compte, de la façon la plus exhaustive possible, des résultats fournis par la cotation et l’interprétation du test ; mais également pour prendre le temps de considérer ces résultats en regard de la trajectoire de la personne, dans sa vie scolaire, professionnelle, sociale, éventuellement familiale ou affective, dans sa vie psychique de manière générale.
Yves-Marie Bouillon, Brest, 24 avril 2017.
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