« Les Métamorphoses » d’Ovide (2) : voeux d’éternité, identité sexuelle, et toute puissance…

Certaines métamorphoses chantées par Ovide, dans leur résultat, se limitent spécifiquement au corps propre. L’individu n’est alors pas transformé en animal ou en une entité matérielle d’un autre règne, mais transformé de façon extraordinaire.

Eson est rajeuni par Médée. La Sibylle, qui a refusé de s’offrir à Apollon, obtient pourtant de lui qu’elle vive autant d’années qu’elle prit de grains de sable dans la main. Mais, ayant omis de demander la jeunesse, sa vie se poursuit en une vieillesse sans fin… Canente, sans réellement disparaître (quelque chose reste dans l’air…) s’évanouit dans les airs de chagrin.

Salmacis est repoussée par Hermaphrodite. La jeune femme et le jeune homme sont alors unis en un seul corps, gardant le nom d’Hermaphrodite, ne pouvant être dit ni femme ni homme.

Iphis est née fille, ce que refuse son père. Elle est élevée par sa mère comme un homme, puis est transformée à la demande de sa mère par Isis en homme et peut ainsi épouser celle qu’elle aime…

Tirésias a révélé que les femmes ont une jouissance sexuelle supérieure à celle des hommes… Il tient cette connaissance de son expérience : il vécut doté d’un corps de femme durant huit ans, après avoir battu des serpents qui s’accouplaient, puis a retrouvé son corps d’homme en répétant le geste. Junon le rend aveugle, n’ayant pas supporté la révélation du « secret »… Jupiter octroie à Tirésias le don de prophétie en compensation de sa cécité.

Midas a reçu du dieu Bacchus le don de tout transformer en or par le simple contact. Mais il est aussitôt puni pour son voeu avide puisqu’il ne peut plus dès lors se nourrir… Il perd ce don néfaste en touchant les eaux du fleuve Pactole depuis lors aurifère. Midas, qui n’a décidément pas de chance, est de plus affublé d’oreilles d’âne car il a, seul, préféré la musique de Pan à celle d’Apollon.

Il est remarquable qu’Ovide ait ainsi décrit les principaux voeux que fomentent les humains, consciemment ou non. La transgression des limites est au coeur des fantaisies inconscientes: l’irréversibilité du temps (vieillesse et mort) ; l’altérité sexuelle (être d’un seul sexe ; être né de l’union des deux sexes ; spécificité de la jouissance propre à chaque sexe) ; corps propre non tout-puissant (changer chaque chose en or…).

Yves-Marie Bouillon, Brest, 2016.

Copyright, Bouillon, 2016.

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