Psychothérapie, psychanalyse… variétés du travail psychique

Il n’est pas évident de se repérer dans les diverses appellations données par les professionnels aux formes variées que peut prendre un travail psychique. Eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord sur ce qu’ils entendent en employant certains mots.

La psychothérapie verbale recouvre l’idée générale qu’une conversation, un dialogue entretenu lors de plusieurs séances, à fréquence régulière, favorisera la possibilité de changements psychiques importants dans la vie d’une personne. Si le mot thérapie laisse entendre que ce type de travail est de l’ordre du soin, au sens le plus général du mot (prendre soin de quelqu’un ou de soi, avoir le souci de sa personne), il ne nous paraît pas opportun de considérer la personne comme « malade »… L’on peut souffrir de chagrin, d’angoisses, d’insomnies, de ruminations… sans pour autant se considérer malade.

Le terme de maladie implique l’installation dans la durée d’un certain fonctionnement du corps, éventuellement en réaction à des agents pathogènes, un environnement toxique, etc.. Or une personne souffrant psychiquement l’éprouve d’abord suite à une histoire personnelle, inscrite dans celle de sa famille, éventuellement également du fait d’interactions socioprofessionnelles pénibles ou de déceptions amoureuses.

La psychothérapie, thérapie de la psyché, prend donc ici tout son sens : prendre soin de son âme, non au sens religieux ni mystique (ce qui n’empêche que ces questions peuvent être librement abordées par la personne si elles font partie de ses préoccupations), mais au sens émotionnel, affectif.

Prendre soin par la parole et l’écoute de sa vie affective ; reconnaître ses émotions et ses sentiments à leur juste mesure, y réfléchir, les ajuster quand ils semblent excessifs ou sont causes de souffrances insupportables ou d’actions inappropriées … Eventuellement, réfléchir à ce que l’on peut comprendre de la vie émotionnelle des autres : s’étonner des réactions émotionnelles d’autrui, parfois se rassurer quant à leur pertinence si l’on se rappelle leur contexte, en tout cas imaginer les diverses réactions que peuvent avoir différentes personnes dans ce qui semble de prime abord une même situation émotionnelle : mais une émotion d’apparence semblable recouvre des réalités fort différentes selon l’histoire de chacun. Cet élargissement des cadres habituels de la pensée facilite une vie émotionnelle plus souple, autorise des jugements moins expéditifs, voire permet de mieux se représenter les réactions d’autrui qui nous semblaient jusqu’alors incompréhensibles.

Une psychanalyse, dans le sens le plus rigoureux du terme, se pratique selon le dispositif du divan. La personne en cure psychanalytique ne voit ni n’est vue du psychanalyste. Cette liberté de laisser aller ses émotions envahir sa vie intérieure, sans crainte du regard d’autrui, facilite leur prise de conscience, voire leur verbalisation. Mais nombre de personnes éprouvent, au moins dans un premier temps, le besoin de voir la personne à qui elles parlent. Cette préférence doit bien sûr être respectée. Aucun thérapeute ne doit contraindre une personne vulnérable à un dispositif qui amplifierait outre mesure ses angoisses.

La considération générale qu’une psychanalyse consiste en un travail d’analyse plus en profondeur des mécanismes psychiques inconscients est bien sûr pertinente : ce qui ne veut pas dire qu’un tel travail soit nécessairement plus long, en durée, qu’une psychothérapie… Certaines personnes ont une « aisance » à oser parler de leur vie intérieure (souvenirs, fantasmes, projets, angoisses, rêves) qui peut rendre possible une psychanalyse réalisée dans une durée parfois relativement courte… Le rythme, peut-être ce qu’il y a de plus intime en chacun de nous, de même que la respiration ou l’allure d’une promenade, est affaire de chacun…

Psychanalyse, psychothérapie, soutien psychologique : tous ces termes auront avantage, sans déconsidérer les distinctions de profondeur des investigations psychiques qu’ils recouvrent, à être classifiés sous l’idée plus générale de travail psychique. Le travail psychique pourrait être décrit comme relevant de ce qu’il en coûte, en termes d’énergie, à évoquer, par la parole et sans action immédiate, ses aspirations et ses appréhensions les plus personnelles : désirs et nostalgies, souvenirs et fantasmes, douleurs secrètes et rêves d’enfant. Il y faut à l’évidence un certain courage. La conversation avec autrui en est une des modalités dans notre culture. Certaines personnes, lors de voyages, d’activités artistiques ou de passions toutes personnelles, élaborent sur le long terme et dans la solitude des réflexions relevant nettement d’un travail psychique approfondi. Un travail psychique est à l’évidence un voyage dans le temps… avec un interlocuteur.

Yves-Marie Bouillon, Brest, 2016

Copyright, Bouillon, 2016.

Ce contenu a été publié dans psychanalyse, psychothérapie, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.