Jean-Baptiste Lamarck naît en 1744 et meurt en 1829. Il emploie le premier en langue française le mot biologie, cherchant à fonder la science du vivant dans un cadre strictement matérialiste, et à partir des acquis de la physique. Plus souvent ignoré que lu, plus souvent invoqué pour taxer qui s’en réclame de tenant d’un « lamarckisme » délirant, cet auteur si fécond a cherché à caractériser le vivant, en particulier le monde animal, en observant et pensant ses spécificités en regard du monde minéral.
Dans un précédent article (« Psychologue à Brest (8) : la vie selon Lamarck… »), nous avons rendu compte de sa définition d’un orgasme vital : présent dans tous les animaux, cet orgasme vital est décrit par Lamarck comme en lutte contre « l’attraction [universelle] », laquelle tend à réduire l’espace interne entre les molécules. Cet orgasme vital tient le milieu entre l’atonie (insuffisance de tension interne) et l’éréthisme (inflammation, excès de tension).
« La tension qui constitue l’orgasme pouvant varier d’intensité entre certaines limites, d’une part sans détruire la cohésion des parties, et de l’autre sans cesser d’exister, cette variation rend possibles les contractions et les distensions subites des parties, lorsque la cause de l’orgasme est instantanément suspendue et rétablie dans ses effets. Voilà la cause première de l’irritabilité animale. »
(cf. le site lamarck.cnrs, Recherches sur l’organisation des corps vivans, p. 80 ; l’orthographe est restituée telle quelle).
Cette irritabilité animale, tension maintenant un équilibre interne en réaction permanente avec l’environnement, nous intéresse au plus haut point en tant que psychologue. Car, et le mot sentiment employé par Lamarck l’est assurément dans une acception plus vaste que ce que nous en entendons aujourd’hui, cette tension à l’origine de l’irritabilité animale est aussi :
« la base du sentiment qui se développera lorsqu’un fluide nerveux, susceptible d’en rapporter les effets à un ou plusieurs foyers particuliers, aura pu se former. »
(Recherches sur l’organisation des corps vivants, Lamarck, Ed. Fayard, p. 78).
Si nous écoutons à la lettre ce que dit le fondateur de la biologie moderne, le sentiment (non seulement celui des humains, également celui des animaux à un niveau d’organisation déjà complexe) relèverait du rapport que fait le fluide nerveux à un foyer de la tension interne de l’animal, autrement appelée irritabilité animale…
En des termes plus contemporains, Lamarck met en place le programme, ni plus ni moins, de la neurologie… Le système nerveux, dirions-nous aujourd’hui (en particulier le système nerveux central), est le foyer vers lequel sont rapportés les stimuli, internes ou externes, à l’origine des différences de tensions (perceptions sensorielles, musculaires, des organes internes, etc.). Mesurer l’ampleur de la vision lamarckienne, sa nouveauté, demande de se rappeler l’année de parution des Recherches sur l’organisation des corps vivants : 1802.
Yves-Marie Bouillon, Brest, 2017.
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