« Du coup », une expression fautive ou symptomatique ?

Nous avons lu dans les journaux, sur quelques blogs ici ou là, que la locution adverbiale « du coup » avait envahi l’usage contemporain en langue française. L’emploi en serait la plupart du temps fautif. Une écoute psychanalytique de cette locution si couramment employée rend un avis nuancé. Si nous nous sommes massivement habitués à dire « du coup », ce peut être pour des raisons autres : ce ne serait pas par simple mimétisme, du fait d’une vulgarité d’usage généralisée (qui en décide ?), ou la simple manifestation d’une bêtise qui serait devenue commune à tous les locuteurs de langue française. La langue a ses raisons que l’usage « distingué » ignore… Commençons l’enquête.

Que dit l’Académie Française sur son site ?

 » La locution adverbiale du coup a d’abord été employée au sens propre : Un poing le frappa et il tomba assommé du coup. Par la suite, on a pu l’utiliser pour introduire la conséquence d’un événement : Un pneu a éclaté et du coup la voiture a dérapé.  Mais ainsi que le dit Le Bon Usage, il exprime « l’idée d’une cause agissant brusquement » et à sa valeur consécutive s’ajoute donc une valeur temporelle traduisant une quasi simultanéité. Du coup est alors très proche d’aussitôt. On ne peut donc pas employer systématiquement du coup, ainsi qu’on l’entend souvent, en lieu et place de doncde ce fait, ou par conséquent. On évitera également de faire de du coup un simple adverbe de discours sans sens particulier.

On dit : Il a échoué à l’examen. De ce fait, il a dû le repasser l’année suivante.

On ne dit pas : Il a échoué à l’examen. Du coup, il a dû le repasser l’année suivante. »

L’exemple donné par les académiciens est parlant : échouer à un examen est pénible… En apprendre la nouvelle peut générer une émotion brusque ; et repasser l’examen l’année suivante peut affecter au point d’avoir le sentiment de le faire sous le coup de l’émotion pénible ressentie. L’usage généralisé de cette locution manifeste-t-elle un état de choc de la population ? Nous en formulons l’hypothèse. Ces dernières années, l’usage du « choc » a été revendiqué par les politiques : le « choc » de simplification administrative, le « choc » de compétitivité…

L’écoute de la locution « du coup » employée massivement met en évidence que ce n’est ni faute de goût ni incompétence linguistique qui la font tinter plusieurs fois par jour à nos oreilles mais, bien au contraire, le génie de la langue, de cette langue parlée par des millions de locuteurs : nous disons « du coup » avec une telle fréquence car nous sommes chaque jour choqués (« impactés ») par des nouvelles tragiques, par des annonces politiques terrifiantes, par de nouvelles formes d’asservissement. Faudrait-il, au nom d’un « bon usage » de la langue, arrêter de les dénoncer, cesser de dire « du coup », et, du même coup, participer à une forme de censure ? Nous ne le pensons pas. Chacun a ses raisons de parler à sa façon. Ecouter ce que dit la langue, celle employée par le plus grand nombre également, participe d’un travail de psychanalyste. Mais écouter vise bien à lever la censure, non à y contribuer.

Brest, 28 février 2016.

Copyright, Y-M Bouillon.

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