Psychologue à Brest (5) : le mouvement organique comme manifestation de la vie… et prélude à une compréhension dynamique des sentiments

Quand Jean-Baptiste de Lamarck déploie les fruits de ses réflexions sur les origines de la vie, le lecteur contemporain ne peut s’empêcher d’en être troublé. L’observation, plutôt les observations cumulées durant ses années de recherches sur le monde vivant le mènent à des considérations aujourd’hui tenues pour acquises mais qui, ne l’oublions pas, sonnaient différemment à l’époque où elles furent énoncées. Lamarck cherche ce qui distingue le monde vivant du monde non vivant ; il cherche à fonder la biologie, mot qu’il contribua à imposer, l’employant le premier en langue française dès 1802. Appelant de ses voeux une science tirant profit des acquis de la physique et de la chimie (sciences récentes et profondément transformées par Newton et Lavoisier), il n’entendait pas moins chercher la spécificité du monde vivant.

« […] la vie est un phénomène très naturel, un fait physique, à la vérité un peu compliqué dans ses principes, et ce n’est point un être particulier quelconque. »

affirme-t-il dans ses Recherches sur l’organisation des corps vivans (p. 70, cf. le site lamarck.cnrs).

Lamarck s’oppose ainsi à toute approche mystique, religieuse, et ancre dans le monde physique (n’oublions pas que nous traduisons la « physis » des grecs par la « nature ») la naissance de la vie, les changements manifestés chaque jour sous nos yeux par le monde vivant. Mais la nuance, « un fait physique, à la vérité un peu compliqué dans ses principes », oriente déjà le point de vue. Si tant est que le monde physique et chimique étudiés, par exemple par Newton et Lavoisier, soit simple, le monde vivant à l’étude duquel Lamarck s’attache, est « compliqué dans ses principes ». La biologie doit trouver ses propres principes : ses premières paroles. Et Lamarck les énonce (ouvrage cité, p. 71) :

« La vie est un ordre et un état de choses dans les parties de tout corps qui la possède, qui permettent ou rendent possible en lui l’exécution du mouvement organique, et qui, tant qu’ils subsistent, s’opposent efficacement à la mort. »

Lamarck réfute toute hypothèse spiritualiste : ni esprit divin, ni nécessité de supposer le moindre « être particulier quelconque ». Il postule, il ne la démontre pas, l’unité de la vie :

« un ordre et un état de choses dans les parties de tout corps qui la possède ».

L’ordre et l’état de choses restent bien sûr à décrire, délimiter, qualifier. Mais Lamarck précise déjà qu’ils

« rendent possible en lui [le corps vivant] l’exécution du mouvement organique ».

En lisant cette phrase, nous n’avons pu nous empêcher de penser à cette phrase commune, qui s’entend à l’occasion, mais qu’un psychologue ne devrait jamais oublier, dès lors qu’il considère qu’en tant que tel il travaille avec les vivants : la vie, c’est le mouvement…

Nous anticipons certes sur ce qui suit, mais ayant à coeur de situer ce que Ferenczi, élève de Freud, est allé chercher dans la pensée de Lamarck, relevons la vision unitaire, dynamique et organique que le philosophe de la nature pose au principe de la science qu’il fonde.

Brest, 8 octobre 2016.

Yves-Marie Bouillon, Psychologue, Copyright.

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